À quoi ressemblent vos symptômes d’endométriose ? J’ai des douleurs à tous les jours, on apprend à vivre avec eux. Douleur au bas du ventre qui irradie vers les jambes et le dos. Il y a des jours où la douleur n’est pas si forte et je peux faire mes activités de la vie quotidienne. Il y a des jours où la douleur est assez intense que mon ventre gonfle, à cause de l’inflammation, comme si j’étais enceinte de 6 mois. Je peux sentir comme si ça brûle à l’intérieur, j’ai des migraines, j’ai de la difficulté à marcher parce que la douleur aux jambes est insupportable, j’ai mal lorsque je vais à la toilette (selles et urine) et j’ai une douleur sous forme de brûlure au niveau des côtés gauches avec l’épaule gauche. Je ne peux plus utiliser des pantalons à cause de la douleur, j’utilise des robes. Lorsque j’ai des règles, j’ai des saignements abondants et qui durent au moins 2 semaines. Il peut y avoir beaucoup de caillots de sang de différentes tailles (des tailles genre d’une petite monnaie ou des tailles d’un ballon de tennis), des nausées et des vomissements. J’ai de la douleur pendant les relations sexuelles, après chaque rapport j’ai une grosse crise de douleur et d’inflammation.
Comment a été votre parcours vers un diagnostic d’endométriose ? J’ai eu des douleurs intenses depuis mes premières règles lorsque j’avais 11 ans. Toute mon adolescence, j’ai visité au moins 4 gynécologues qui me disaient que pour les femmes, les douleurs pendant les règles c’est normal. Ils me donnaient des pilules contraceptives et disaient qu’elles vont « gérer les hormones ». Pendant au moins 10 ans, peut être plus, les médecins me disaient que cette douleur est normale, c’est fou! Un jour, quand j’avais 25 ans, j’ai eu une douleurs aiguë au niveau de mon ovaire gauche, c’était très intense. Je ne pouvais pas marcher, je restais en position fœtale et je pleurais. Je suis allée à l’hôpital et je racontais que la première fois que j’ai eu cette douleur c’était après avoir uriné et depuis cela, la douleur allait et venait comme une montagne russe. Les médecins pensaient que j’avais une infection urinaire, ils ont fait des tests, mais c’était négative. Alors le médecin m’a dit: « c’est une infection vaginale, on va te donner des médicaments pour cela, une dose unique et tu peux retourner à la maison » Très déçue et sachant que quelque chose n’allait pas, je suis, quand même, retournée à la maison. Malheureusement, les douleurs n’ont pas cessé. J’ai passé une journée terrible chez moi. Je suis retournée à l’hôpital le jour après, on m’a dit: « on va te faire une échographie pelvienne, mais on te donne rendez-vous pour demain ». J’ai dû attendre une journée de plus. La journée de l’échographie, ils remarquent : « oh Madame, vous avez un kyste hémorragique, on vous retourne à l’urgence, on va sûrement vous opérer d’urgence ». J’ai eu la chirurgie et lors de mon réveil, le gynécologue m’a donné le diagnostic : endométriose sévère, stade 4. J’ai eu une deuxième opération pour l’endométriose lorsque j’avais 27 ans. Maintenant, j’ai 29 ans, j’ai eu le diagnostic d’adénomyose, bientôt 30 ans et je vais avoir une autre chirurgie.
Quelle a été votre expérience avec les traitements pour l’endométriose ? Au début, lors de mon adolescence, j’ai eu des pilules contraceptives qui n’ont pas fonctionné. La douleur était toujours là et les règles étaient toujours difficiles. Lors de mon diagnostic à 25 ans jusqu’à maintenant 29 ans, j’ai reçu des médicaments qui m’ont induit la ménopause chimique (des pilules type Visanne, Norlutate, des injections type Lupron ou Trelstar qui durent 3 mois, 1 mois, etc.) Dans mon cas, la douleur n’est jamais partie de mon quotidienne à 100%. J’avais la douleur tout le temps, mais moins forte. Tous les médicaments ont des effets secondaires de divers type: bouffées de chaleur, migraines, saignements, changement d’humeur, etc. J’ai vécu plusieurs de ces effets secondaires et des fois je me suis dite que c’est mieux les effets secondaires que la douleur très intense. Il faut vraiment tester lequel va mieux pour chacune et parler à son gynécologue.
Comment l’endométriose affecte votre vie quotidienne ? Je pense que je n’ai plus de qualité de vie. Après aller faire les courses, le soir, je ne peux plus marcher à cause de la douleur au ventre et aux jambes. J’ai dû arrêter de faire plusieurs activités que j’aimais et que je faisais avant, par exemple : marcher dans les parcs. Je n’ai plus de vie sociale, je préfère rester à la maison pour me reposer. Je planifie de travailler à temps partiel parce que je ne suis pas capable de travailler à temps plein. Je n’arrive pas à faire de l’exercice parce que je suis très fatiguée tout le temps et la douleur me limite.
Comment l’endométriose affecte votre bien-être émotionnel ? J’ai des problèmes de sommeil. La douleur et le stress me réveillent toute la nuit. Je suis très frustrée par rapport aux relations sexuelles puisque j’ai peur de la douleur, ça fait très mal, on essaye de chercher des solutions et j’ai des fois des sentiments de culpabilité envers mon mari qui doit vivre toute cette situation avec moi. C’est très facile de tomber en dépression, on pense à beaucoup de choses, on a des sentiments de culpabilité, de colère envers la maladie, de tristesse en pensant qu’on n’est pas capable de faire plusieurs choses et d’épuisement par rapport à la douleur qui n’arrête pas.
Comment l’endométriose a marqué des tournants dans votre vie jusqu’à présent et dans l’avenir ? J’ai dû vivre avec la maladie. Ce n’est pas facile, si on n’a pas d’aide, on arrive pas. J’ai fait mes études en plein milieux du diagnostic, des chirurgies et de la douleur quotidienne. Je trouve que nous devons être plus accompagnées. On rêve de former une famille, avoir des enfants, mais c’est un long processus.
Comment est-ce que vous avez trouvé de l’espoir ou du soutien au cours de votre parcours avec de l’endométriose ? Mon unique soutien a été ma foi, mon mari et mes parents. Si mon mari et ma famille n’étaient pas là, je ne sais pas comment je pourrais vivre toutes ces années.
À quoi devraient ressembler les soins de santé pour l’endométriose au Canada selon vous ? Je trouve qu’il y a un gros manque de connaissances sur la maladie et un manque de soutien pour nous. On est très souvent incomprises, ils ne sont pas à l’écoute de nos préoccupations et nos besoins. Ils minimisent nos douleurs et tout ce qu’on a vécu. Ils pensent que notre douleur est dans notre tête!…. Je pense qu’il faut un grand changement et beaucoup d’apprentissage.
D’après vous, que devrait-on savoir du vécu des personnes atteintes d’endométriose au Canada ? Il faut enseigner sur la maladie dans les écoles, les cégeps et les universités. De cette façon, les filles pourront reconnaître les signes et symptômes afin d’accélérer le diagnostic et le traitement. Il faut sensibiliser et former le personnel de santé afin qu’ils puissent donner un meilleur accompagnement et des meilleurs soins.