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Anick

À quoi ressemblent vos symptômes d’endométriose ? Douleurs, crampes, perte de connaissance/ chocs vagaux, vomissements et diarrhées lors des menstruations depuis 29 ans auxquels se sont ajoutés depuis environ 7 ans des douleurs chroniques au plancher pelvien, aux hanches et au bas du dos, de l’inflammation quotidienne, un syndrome du colon irritable et des douleurs post relations sexuelles.

Comment a été votre parcours vers un diagnostic d’endométriose ? De 10 ans à 18 ans, j’ai pris la pilule en continu ce qui atténuait mais n’effaçait pas les crises lors des menstruations. J’ai tellement manqué d’école pendant ces années parce que la douleur me clouait au lit 1 à 2 jours par mois. À 18 ans, j’ai commencé à avoir des douleurs au foie et à investiguer par moi-même pour dépasser le «diagnostic » de simples règles douloureuses de mon médecin de famille. J’ai commencé à trouver de l’information sur l’endométriose et j’ai commencé à faire des modifications de comportements qui ont eu pendant 10 ans environ beaucoup d’impacts positifs. Avec le suivi d’une nouvelle médecin de famille, j’ai aussi eu accès aux anti-inflammatoires comme outils pour contrer les crises qui demeuraient « contrôlables » dans le paramètre scolaire post secondaire. Pendant cette période, j’ai appris à mieux déceler les signes avant-coureur des crises et à prendre de la médication au bon moment évacuant au moins les pertes de connaissances et chocs vagaux des périodes de menstruation. Je n’ai pas eu de support de la santé pendant cette période. Cependant, avec le début de ma vie professionnelle, et l’arrivée de plus de stress et l’obligation de conformité à des horaires strictes, c’est tranquillement pas vite installé plus de douleur autour de la période des menstruations, lors des ovulations et lors d’efforts physiques plus intenses. J’ai eu plusieurs échographies pelviennes avec des kystes qui étaient disparus lors des contrôles, plusieurs passages à l’hôpital pour de la déshydratation suite à des crises ou pour investiguer des douleurs subites et inexpliquées. Il y a 5 ans, j’ai commencé à avoir des problèmes de hanche et à me promener de physiothérapeute en médecin pour comprendre pourquoi ma hanche pouvait enfler de 1 à 2 pouces d’épais lorsque je mobilisais mes abdos, marchais ou faisais une activité physique modérée. Jusqu’à ce que je tombe sur un physiothérapeute acceptant de voir le lien que je sentais dans mon corps entre endométriose et ce problème. J’ai dû vivre avec des douleurs tellement vives que j’avais parfois du mal à sortir du lit. Heureusement, dès ma prise en charge avec une physiothérapeute en réhabilitation pelvienne, nous avons pu diminuer l’intensité de l’inflammation ce qui a contribué à diminuer les limitations mais encore aujourd’hui, même si c’est moins envahissant, j’ai des périodes d’inflammation et de douleur intense. Comme plusieurs, je considère avoir fait de l’errance médicale et avoir malheureusement coûté cher à l’État pour plusieurs consultations sans diagnostic. Des gynécologues me disaient carrément que je n’étais pas assez tolérante à la douleur ou insinuaient que c’était dans ma tête ou encore, que je n’étais pas prioritaire puisque je ne voulais pas d’enfant. Je n’ai jamais senti que, outre ma médecin de famille, qui demeurait assez limitée dans ses outils, on prenait ma douleur au sérieux. Il a fallu que ce problème d’inflammation du trochanter soit relié par la physiothérapeute en réhabilitation pelvienne à mes symptômes d’endométriose pour que ma médecin insiste pour que je puisse avoir un suivi avec une gynéco spécialisée. Nous avons débuté une médication, j’ai eu l’ablation de l’endomètre et j’ai été mise sur une liste d’attente pour un suivi en clinique de douleur pelvienne. Malheureusement, celle-ci n’est pas en opération faute de spécialistes. J’aimerais être suivie de plus près par une gynécologue mais j’ai l’impression de ne pas être un cas assez « lourd » pour que ce soit justifié pour la rareté des ressources.

Quelle a été votre expérience avec les traitements pour l’endométriose ? J’ai pris la pilule contraceptive pendant 8 ans pour ensuite utiliser que des anti-inflammatoires au besoin jusqu’à la phase actuelle. Je prends maintenant Orilissa (qui devrait normalement être pris que pour une courte durée) et du Elavil. J’ai des fibromes et kystes mais pas d’adhérences ou d’atteintes visibles par échographie ou IRM. Je n’ai jamais eu de laparoscopie. Heureusement, je suis motivée, bien entourée et assez économe pour me permettre d’avoir de l’aide de physiothérapeute, massothérapeute et ostéopathe. J’ai adopté le régime hypotoxique et j’essaie d’avoir une hygiène de vie irréprochable. Mais je n’arrive pas à me payer suffisamment de services et à cibler correctement le niveau de services que je devrais avoir. Je ne suis pas un cas assez sévère pour être régulièrement suivie mais assez pour que ma qualité de vie soit très impactée .… Je continue donc à vivre quotidiennement avec de la douleur pelvienne, de la fatigue et un moral fragile.

Comment l’endométriose affecte votre vie quotidienne ? Actuellement, l’endométriose m’empêche d’avoir une vie active physiquement (aucun vélo et ski de fond, moins de marche, aucune activité mobilisant trop les hanches/abdos), limite mon investissement dans une entreprise agricole de laquelle je suis co-propriétaire, m’empêche d’avoir une vie sexuelle active, m’empêche parfois de faire des journées complètes particulièrement lorsque je dois être assise longuement, me fait regretter chaque journée où je dépasse légèrement mes capacités. Je limite ma vie professionnelle ne sachant pas comment cette maladie impactera mon énergie et mes capacités physiques dans le futur.

Comment l’endométriose affecte votre bien-être émotionnel ? J’ai souvent mal, je ne récupère pas toujours suffisamment avec mon sommeil, me sens limitée par mon corps et j’ai souvent le sentiment d’être maganée. Je suis très en colère par rapport à la place que prend cette maladie dans ma vie. J’ai de courts épisodes dépressifs lors desquels j’ai l’impression que je ne connaîtrais plus jamais de période plus active où je pourrai être sportive, reposée et « infatigable ». La plupart du temps j’essaie de pas trop « focusser » là-dessus puisque je considère que je suis quand même relativement fonctionnelle. Je me donne quand même le droit d’avoir des journées « scrapp » où je n’arrive à pratiquement rien faire. Mais je suis quand même inquiète pour l’avenir ne sachant pas à quel point mon corps me permettra de rester autant active et efficace d’autant plus que j’ai pratiquement plus aucune journée sans douleur depuis 5 ans.

Comment l’endométriose a marqué des tournants dans votre vie jusqu’à présent et dans l’avenir ? Étant depuis le début de mes menstruations envahie par la présence de cette maladie, je n’ai pas le sentiment d’un avant /après. Je dirais plus que ma vingtaine fut relativement confortable, assez pour que je regrette cette période où les douleurs n’étaient pas quotidiennes et où ma vie est constamment marquée par les aléas de cette maladie. Tel que mentionné, je limite ma vie professionnelle ne pouvant me fier à mes capacités physiques. Même si je suis totalement en accord avec cette décision pour des raisons de morale personnelle, c’est tout d’abord à cause des douleurs que j’ai décidé de ne pas avoir d’enfants… je ne voyais pas comment j’arriverais à mettre au monde un enfant si, comme on m’a dit depuis mon enfance, c’était plus douloureux que des menstruations. Même si ça peut paraître indélicat, j’aimerais que les efforts de guerre soit fournis à améliorer la qualité de vie des symptomatiques plus qu’à lutter contre l’infertilité des asymptomatiques. Dans ce cas, d’autres d’options existent (adoption, procréation assisté) alors que pour la gestion de la douleur, on est souvent devant rien… bref, trop souvent dans mon parcours on a sous-entendu que parce que je ne voulais pas d’enfants je ne méritais pas de traitements. C’est devenu une grosse frustration assez que parfois, j’ai pensé mentir pour éviter les commentaires ou les biais.

Comment est-ce que vous avez trouvé de l’espoir ou du soutien au cours de votre parcours avec de l’endométriose ? Je dirais tout d’abord que je me sens chanceuse que ma médecin de famille ai toujours considérée que je faisais de l’endométriose même si je n’ai pas eu de diagnostic jusqu’à récemment. La physiothérapeute en réhabilitation pelvienne a beaucoup amélioré les choses ainsi que le massage tragger et l’ostéopathie. Ces services étant payants et n’ayant pas d’assurance privée, je suis quand même limitée au nombre de traitements que je peux me payer. Le régime hypotoxique semble aussi avoir eu des effets très positifs mais j’aurais apprécié avoir plus d’études ou un protocole plus clair pour m’assurer de faire les bons choix. Le peu de suivi que j’ai eu avec une gynéco spécialisée a aussi contribué à améliorer la situation. Mais l’accès demeure difficile et limité. Somme toute, je me considère chanceuse d’avoir un conjoint, des amis proches et des collègues qui me soutiennent et facilitent ma vie.

À quoi devraient ressembler les soins de santé pour l’endométriose au Canada selon vous ? Ma vision rêvée de la prise en charge de l’endométriose serait d’avoir un accès à un groupe de professionnels incluant une gynécologue, anesthésiste, infirmière, nutritionniste, physiothérapeute en réhabilitation pelvienne et psychologue. Une prise en charge rapide et large axé sur l’atténuation des symptômes. J’aimerais sentir qu’on prend ma douleur au sérieux et qu’on m’offre un plan de traitement cohérent et à jour sur ces enjeux. Des outils et des traitements m’aidant à m’aider plutôt que me laisser expérimenter avec moi-même et les Internets. J’aimerais aussi qu’on me permette d’avoir accès à un suivi longue durée même si les symptômes sont en dormance.

D’après vous, que devrait-on savoir du vécu des personnes atteintes d’endométriose au Canada ? J’aimerais d’abord que les médecins soient bien informés par rapport à cette maladie (Non, avoir un enfant ne règle pas tout. Non, il n’est pas normal de perdre connaissance lors de nos menstruations. Non, les utérus rétroversés n’expliquent pas à eux seuls l’endométriose. Non, dire à une patiente d’apprendre à mieux gérer sa douleur par elle-même ce n’est pas suffisant. Etc.) et qu’on comprenne l’importance d’orienter au plus tôt les soupçons d’endométriose à des spécialistes. On devrait pas avoir à se battre pour avoir accès à un médecin qui nous croit. Personne n’est gagnante dans un système de santé engorgé lorsqu’on fait de l’errance médicale à outrance.