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Claudia

À quoi ressemblent vos symptômes d’endométriose ? C’est une sensation de coupure et de brûlure à la fois. Comme si j’avais des coups de couteaux dans le bas ventre et que mon ventre était en feu en même temps. C’est très vif comme douleur et ça dure 7 jours où mon corps s’épuise. Quand la douleur diminue un peu, ça me donne une sensation de chocs électriques.

Comment a été votre parcours vers un diagnostic d’endométriose ? J’ai commencé à être malade chaque mois à l’âge de 10 ans. J’avais des crampes, des maux de têtes, des maux de ventre, mes seins devenaient lourds. Je n’ai pas reçu d’attention médicale avant l’âge de 12 ou 13 ans parce que les médecins ne trouvaient rien. C’en est suivi des années d’essaies de pilules contraceptives. J’en ai essayé 5 ou 6, a chaque fois avec de fortes réactions, des migraines, des vomissements. Vers 18 ans, un médecin a découvert des kystes sur mes ovaires et a voulu les faire retirer. C’est la première fois qu’un médecin me disait que j’aurais de la difficulté à avoir des enfants mais sans parler d’endométriose. À 20 ans, j’ai été opérée pour enlever des tumeurs aux ovaires. J’ai eu une biopsie et les médecins ont commencés à parler d’endométriose mais sans me donner de diagnostic. A ce moment-là, on est 10 ans après que j’aie commence à avoir des douleurs sans trouver quoi que ce soit pour me soulager. J’ai finalement reçu un diagnostic a 25 ans alors que je suis allée d’urgence parce que j’avais de la difficulté à respirer tellement la douleur était vive. À 28 ans, on m’a posé un stérilet auquel j’ai fait une grave réaction allergique et on m’a diagnostiqué le syndrome des ovaires polykystiques. Je me suis fait opérer une seconde fois à 30 ans pour une laparoscopie et reçue un deuxième diagnostique d’endométriose.

Quelle a été votre expérience avec les traitements pour l’endométriose ? Un des traitements a été une opération pendant laquelle on m’a retiré des plaques d’endométriose dans le bassin. C’est une chirurgie sous anesthésie qui dure une heure ou deux. J’ai plusieurs cicatrices dans le bas ventre, ça m’a pris de la physiothérapie et plusieurs semaines à me remettre. On m’a dit que ça aidait plusieurs femmes à ne pas avoir de douleurs pour plusieurs mois, voire années mais dans mon cas, les douleurs sont revenues tout de suite après l’opération, lors de mes premières menstruations. L’attente pour l’opération a été de plusieurs mois. Ça n’a pas été une bonne expérience parce que ça n’a rien changé à ma condition en plus de subir l’impact d’une opération. Le suivi a été complètement inadéquat. Une des infirmières en charge de mon dossier a complétement nié ma douleur, je n’ai pas reçu la dose appropriée de morphine suite à l’opération en plus de ne pas avoir le congé médical suffisant et de me voir refuser une consultation. 

Comment l’endométriose affecte votre vie quotidienne ? J’ai déjà quitté le travail en taxi parce que j’étais incapable de marcher tellement la douleur était grande. Je me suis déjà évanouie dans un autobus pour la même raison. Généralement, je reste couchée toute la semaine et je ne sors pas parce que j’ai des crampes qui ne cessent pas. Je dois adapter mon horaire de travail à chaque mois pour tenter de travailler le plus possible pendant que j’ai un peu d’énergie et de concentration. Quand la douleur devient vraiment importante, je ne peux que rester étendue et attendre de m’endormir d’épuisement. 

Comment l’endométriose affecte votre bien-être émotionnel ? Je me suis habituée à la douleur physique, malgré sa gravité. Ça fait 22 ans que je souffre à tous les mois, parfois deux semaines par mois. Mentalement, c’est plus difficile. J’ai des pensées sombres pendant cette période et je deviens triste, abattue, déprimée. J’ai des épisodes de colère aussi parce que ça m’empêche de faire des activités que j’aime, de m’entrainer, de travailler, de voir mon copain, mes amis. Ça me fait sentir comme si je n’étais pas comme les autres, que mon corps est défectueux, brisé. Chaque mois, c’est le même sentiment d’échec qui revient. Mon copain et moi voulons des enfants et j’ai d’importantes difficultés à tomber enceinte. C’est finalement arrivé, il y a quelques mois, et j’ai fait une fausse couche. J’ai eu un long épisode a été très douloureux mentalement. Savoir qu’à cause de ma maladie, je risque de faire encore plusieurs fausses couches ou de jamais retomber enceinte. Parfois, j’ai mal pendant mes relations sexuelles et ça me rend insécure. Jai peur que tout ça soit trop à vivre pour mon copain et qu’il me laisse. Qu’aucun homme ne soit prêt à accepter que je ne puisse pas porter notre enfant.

Comment l’endométriose a marqué des tournants dans votre vie jusqu’à présent et dans l’avenir ? Je vais avoir 32 ans et je n’ai pas d’enfants alors que j’en ai toujours voulu. Ça a changé la vie de maman que je souhaitais avoir, certaines de mes relations. J’ai déjà traversée une rupture parce que mon conjoint de l’époque ne supportait pas que je ne tombe pas enceinte. J’ai dû faire certains deuils, celui de maternité entre autres mais aussi de pratiquer certaines activités, de faire certains voyages à certains moments du mois parce que ça me handicape totalement. Je dois repenser sans cesse mes plans pour ne pas être malade devant mes proches parce que j’ai honte d’avoir mal, de devoir interrompre une soirée parce que je dois me coucher. De devoir être vulnérable alors qu’il n’y a rien qui soulage la douleur. De devoir prévenir mon employeur. J’ai déjà perdu un emploi parce que j’avais plusieurs visites à l’hôpital à l’époque où j’ai reçu le premier diagnostic. 

Comment est-ce que vous avez trouvé de l’espoir ou du soutien au cours de votre parcours d’endométriose? Quand j’ai fait une fausse couche. Je suis abonnée à plusieurs groupes de femmes souffrants d’endométriose et ça m’a réconforté de comprendre que ce n’était pas ma faute, de voir toutes ces femmes s’encourager, se lire et se comprendre sans juger parce qu’on traverse des expériences similaires. 

À quoi devraient ressembler les soins de santé pour l’endométriose au Canada selon vous ? Il est urgent et fondamental que les médecins soient bien formés au sujet de l’endométriose et cessent de juger. Je ne compte plus les faux diagnostiques, les traitements à effets secondaires inutiles, devoir me réexpliquer, me faire nier ma douleur. Me faire dire que je suis « trop sensible », obese et que j’ai qu’a perdre du poids, que je devrais peut-être boire pour me détendre. C’est inconcevable que j’aie reçu mon premier diagnostic à 25 ans, 15 ans après avoir commencé à être malade alors que tous les signes d’endométriose étaient présents depuis le début. Je ne blâme pas les médecins individuellement mais je crois que la maladie est méconnue alors que tellement commune. Pour les parents aussi, savoir reconnaitre tôt que quelques choses n’est pas normal en ayant des conversations de société plus ouverte aux sujets des menstruations. Reconnaitre l’endométriose comme handicapante.

D’après vous, que devrait-on savoir du vécu des personnes atteintes d’endométriose au Canada ? Que c’est vraiment extrêmement douloureux et beaucoup plus répandue qu’on le pense. Que l’impact est majeur dans la vie des femmes atteintes et ce, toute leur vie. Que l’endométriose, c’est un chemin de petits et de grands deuils.