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Karline

À quoi ressemblent vos symptômes d’endométriose ? C’est comme une avalanche. Du jour au lendemain tu es si faible que tu n’es même plus capable de te lever de ton lit. Tout prend énormément d’énergie. Tu vis sur une batterie qui n’est jamais rechargée à 100%. En terme de symptômes, j’ai tout eu. Après les quelques relations sexuelles que j’ai avec mon conjoint, cela devient une routine. Une heure après l’acte.. il faut me masser le ventre. Mon ventre devient si gros qu’on dirait que je suis enceinte. Je serre des dents parce que j’ai des crampes et des douleurs à des points très précis dans le bas du ventre. Je me mets à avoir ultra chaud. Je ne respire pas bien. Durant la nuit, je vais devoir me lever 4-6 fois pour uriner. Je vais peut-être pleurer dans mon sommeil, car je souffre trop, malgré que mon copain fait très attention à moi. Après la fatigue extrême débute parfois l’urticaire parce que mon système immunitaire est trop faible. Au début, je pensais que c’était autre chose… Vu qu’on est jamais prise au sérieux quand on va voir le médecin, on ne règle jamais ces problèmes qui ne sont pas normaux. J’ai des douleurs comme ça depuis que j’ai mes règles. Les relations intimes que je ne peux pas toujours avoir avec mon conjoint disons que psychologiquement c’est très difficile. Pour le reste, et bien on s’habitue. À la maison, j’ai tellement de médicaments, que je ne les compte plus. Avant de prendre la médication que je prends actuellement, je souffrais 2-3 semaines par mois. J’ai commencé à m’inquiéter en fin 2018, quand mes saignements ont changé. Ils avaient toujours été très abondants, mais là c’était des gros caillots si gros que tu penses que tu as une maladie grave. Et quand ça sort, il faut serrer les dents. On dirait un couteau avec plusieurs dents qui veut passer au travers. J’ai aussi paniqué quand j’ai réalisé que lorsque j’ai de la fatigue extrême, je ne peux plus m’exprimer convenablement. Je travaille dans un centre d’appels, donc parfois j’oubliais le nom de la cliente qui me l’avait pourtant répété 3 fois. Ma mémoire en subissait un coup dans ces moments-là et j’étais incapable d’être cohérente. Tout le monde au travail me regardait bizarrement, car ils s’inquiétaient, mais malheureusement pour moi je n’avais pas encore eu de diagnostic et donc j’avais l’impression d’être simplement faible, comme je l’ai cru toutes ces années. Mal de dos, mal de tête, migraine, nausées, constipation, étourdissements dans le métro. Tu ne peux pas demander de t’asseoir, tu n’es pas enceinte ou une personne âgée… Cette histoire est juste ma vie. Mais on apprend à vivre avec elle. Parfois j’étais contente, car j’avais juste eu mal à la tête et le ventre enflé. Ce qui est horrible c’est quand tu as tout en même temps.

Comment a été votre parcours vers un diagnostic d’endométriose ? En 2017, je commence à me poser de sérieuses questions. Je n’arrivais jamais à avoir autant d’énergie que mes amis. J’ai essayé presque tous les types de contraceptifs qui sont censé t’aider… J’ai décidé d’essayer la piqûre en 2013, car normalement tu n’as plus tes règles. Et bien, oups, j’ai eu mes règles durant 3 mois… En 2019, j’ai essayé le patch. J’ai eu des migraines tellement atroces durant 11 mois que j’ai presque vomis en voulant manger un repas. Je ne pouvais plus être exposée au soleil… J’avais des étourdissements subits à toutes les fois. J’ai fini dans le bureau du médecin en novembre 2019 parce que je n’étais plus capable d’ouvrir les yeux et d’entendre des sons, de me concentrer, de parler, de voir de la lumière… Avant mon diagnostic, j’ai fait des tests en novembre 2018 suite au changement du sang lors de mes menstruations. Résultats des tests : fibromes utérins intra muraux. C’est suite à ce premier diagnostic que le médecin pour bien faire m’a recommandé un gynécologue et celui-ci, m’a recommandé le patch. Quand j’ai été voir le médecin, je me suis littéralement sentie comme un numéro. Je vois ça souvent. Il a répondu : tiens, essaye ça, ça t’aidera, bonne journée. Un suivi plus tard, je lui ai parlé des maux de têtes. Il a renouvelé ma prescription et bonne journée encore une fois. Et bien en novembre 2019, la visite chez le médecin pour mes migraines, il m’a dit de tout arrêter tout de suite. Je suis resté isolée durant 2 semaines dans le noir et je dormais et prenais la médication requise pour mon traitement. Après j’étais très bien! Plus de migraines… Mais mes saignements étaient toujours aussi inquiétants et j’avais de plus en plus de fatigue cumulée et de la difficulté à parler lorsque j’étais dans mes règles. Finalement, je prends mon courage à deux mains, je décide de faire des demandes auprès de plusieurs gynécologues. Je regarde même les avis sur Internet pour m’aider, car je ne voulais surtout pas me sentir comme là fois où on m’a traitée comme un numéro. Je vais voir un autre gynécologue par chance juste avant le confinement. Je lui demande de refaire des tests pour mes fibromes pour savoir comment ça évolue, car le gynécologue précédent m’avait rien dit sur mes tests rien expliqué sur ma condition. Il m’explique plus ce que j’ai, donne un peu plus de conseils, mais sans plus. Mais il est plus humain c’est rassurant. Il me dit que j’ai l’endométriose, que je vais toujours souffrir, que c’est « normal » que je vive tout ça… Il ne croit pas du tout que j’invente une histoire. Mais, il dit : oublie les chirurgies, tu es trop jeune. Aussi, il faudrait que ce soit plus gros ou qu’il y en ait encore plus en quantité. Si on veut aller vérifier ton endomètre c’est compliqué avec une caméra, etc. Donc essaie cela, j’ai beaucoup de personnes que cela aide. On est en mars 2020 quand je sais ce que j’ai. Ma médication miracle. Si je dépasse de 30 minutes l’heure, le lendemain j’ai mal durant 3-4 jours. Mon utérus devient ultra sensible et réactif, comme un volcan en éruption. Mais je n’ai plus mes règles. Parfois comme aujourd’hui, je suis brûlée et ce, pour peut-être 1-2 semaines. Et oublie les rapports avec mon conjoint… Je tombe malade toutes les fois que je tente d’en avoir. J’aimerais tellement simplement avoir des conseils qui peuvent réellement m’aider dans ces moments-là. On se sent tellement souvent seule dans tout cela surtout quand on a pas de médecin de famille. Je me suis mise en liste en début 2020 voulant à tout prix que les choses changent un peu pour moi.

Comment l’endométriose affecte votre vie quotidienne ? Pour le travail, c’est gênant, car tu travailles même quand tu es incapable de travailler, donc tu finis par t’épuiser. L’année que j’ai reçu une évaluation disant que je n’avais pas été performante m’avait mise par terre, car malgré mes conditions, je faisais beaucoup de temps supplémentaire, j’aidais mes collègues. Mais personne au travail n’était au courant. Avec le temps, je n’ai pas eu le choix d’en parler, car j’ai une limite et loin de là, je ne peux pas toujours fournir à pleine capacité. Il fallait que mon employeur le sache. Mais j’en ai seulement parlé après mon diagnostic, car avant cela, j’avais l’impression de ne pas être crédible et de mentir sur mes douleurs, même si je sais qu’elles sont bien existantes. Pour l’école, il peut arriver que tu n’entends juste plus rien, car ton corps bouillonne, car il met toute son énergie sur ce qui te fait mal. Donc des bouts, j’en ai souvent oubliés. Je devais enregistrer mes cours pour les écouter dans des moments que cela allait mieux. L’exercice c’est un allié quand ça va bien. Mais au départ, c’était handicapant car cela met de la pression sur le bas du ventre et le corps ne l’accepte pas toujours. Moi c’est l’entraînement physique qui me sauve malgré tout jusqu’à présent. Pour les amies, ce sont elles qui m’ont dit que j’avais changé et ont commencé à vraiment s’inquiéter pour moi. Les gens me trouvaient moins patiente, monotone. Je ne faisais aucune activité, je ne voulais voir personne, car je souffre constamment et je ne veux pas qu’ils m’entendent me plaindre, être un fardeau un boulet, car de toute façon je me disais qu’elles ne peuvent pas le comprendre. Elles ne vivent pas ça tous les jours, seulement durant leur règle.. qui dure et fonctionne normalement. La vie sociale tu en as pas plus du coup. Je joue ou volley-ball et ça m’est arrivé de juste aller m’asseoir, car je ne pouvais juste pas jouer ce jour-là, car mon corps avait décidé de me dire non.

Comment l’endométriose affecte votre bien-être émotionnel ? Je ne dors pas bien. Avant de prendre la médication je me levais 4-6 fois par nuit. Tu fais de l’anxiété parce que tu te dis constamment que tu ne seras pas en forme le lendemain pour le travail. Cette nuit même avec la médication il y a cette douleur que lorsqu’elle apparaît je ne peux juste pas me rendormir et fermer les yeux ça fait trop mal. Tu as de la pression des autres qui ne sont pas au courant de ta condition. Ils ont toujours plus d’énergie que toi et toi tu es limité. Les relations intimes ne sont pas fréquentes, pas parce que je n’ai pas envie, mais parce qu’après je souffre tellement que moi et mon conjoint avons toujours peur. Toutes les précautions possibles doivent être prises. C’est lourd, car je suis toujours crispée, j’ai peur et mon conjoint fait de son mieux pour s’assurer de ne pas me blesser. Des fois sur toutes les positions possibles il y a un seul angle que nous pouvons faire. Et il est compréhensif. Quand nous avons des rapports sexuels, j’ai des douleurs durant plusieurs jours, même avec nos précautions ce qui est démoralisant… Je me mets de la pression. Je me sens brisée, pas fonctionnel, et j’ai jamais le sentiment que le sexe est quelque chose qui fait du bien, mais plutôt quelque chose qui me fait du mal.

Comment l’endométriose a marqué des tournants dans votre vie jusqu’à présent et dans l’avenir ? Aujourd’hui, je ne veux plus me cacher, je veux confronter ma maladie et vivre avec elle. Je ne sais plus si je pourrai avoir des enfants plus tard. Je sais que c’est un risque de la maladie. Mon souhait est d’éduquer les gens sur la maladie qui semble si banalisée. Au niveau professionnel, je pense me rediriger vers le domaine du sport qui selon moi c’est bien ce qui m’a le plus aidé dans les moments difficiles avec ma maladie. Bouger peut changer le mal de place et travailler assise dans un bureau ce n’est pas l’idéal pour les problèmes de santé pour ma part. Mon corps devient plus fort quand je bouge. L’endométriose m’a par contre amené une chose très importante. J’ai compris que je dois prendre le temps pour ma santé et arrêter de repousser à plus tard. Cela faisait des années que je souffrais en silence. Je n’avais pas à attendre autant ou penser que ce que je vivais était normal. Il aurait fallu que je consulte plus tôt pour me prendre en main. Si je ne pense pas à moi et ne prends pas soin de moi, personne ne le fera. Le travail ne devrait jamais être une priorité, car ma santé est 100 fois plus importante.

Comment est-ce que vous avez trouvé de l’espoir ou du soutien au cours de votre parcours avec de l’endométriose ? Les groupes sur les réseaux sociaux et autres m’ont vraiment aidé. Je ne pensais pas que je n’étais pas seule. C’est bien de savoir que d’autres se reconnaissent en vous. Ce sont des battantes comme moi.

À quoi devraient ressembler les soins de santé pour l’endométriose au Canada selon vous ? Je pense qu’il faudrait que nous soyons plus prises en charge et non être renvoyées à la maison, comme cela a souvent été mon cas. C’est démoralisant et on en vient à ne plus vouloir chercher de l’aide. Il faut un vrai suivi sur le court, moyen et long terme pour prendre les meilleurs actions pour nos conditions. Un suivi régulier par les médecins. Avec des tests au besoin; par exemple, tous les deux ans, ou par année, selon le patient et ses symptômes. Une compréhension de la maladie par les gens. Personne ne connaît ça sauf ceux qui en souffrent. La banalisation de la maladie n’aide pas à aller chercher de l’aide. Si on ne se sent pas bien, on devrait avoir le droit de ne pas se sentir mal de prendre un jour de repos. Des fois, le corps à simplement besoin de sommeil pour refaire les batteries.

D’après vous, que devrait-on savoir du vécu des personnes atteintes d’endométriose au Canada ? Les gens atteints de cette maladie ne s’expriment pas car elles pensent que c’est normal. Il faut être indulgent. Souvent derrière un sourire se cache une personne qui souffre et qui aurait besoin d’aide. Si vous voyez une femme faire des efforts et qu’elle est cernée et qu’elle a peu d’énergie et qu’elle ne parle pas de ce qui ne va pas, mais tente de garder le sourire et lorsqu’elle se retourne elle ne sourit pas, c’est qu’à l’intérieur, elle doit souffrir énormément. Soyez doux et ne manquez pas de dire que vous êtes là pour elle. Et ce, même si ce ne serait pas l’endométriose. Souvent les paroles des autres nous nourrissent et nous donnent ce petit regain d’énergie.