À quoi ressemblent vos symptômes d’endométriose ? Ce sont des crochets qui s’accrochent à mes grandes lèvres. Des lames acérées qui fouillent mon ventre. Des cercles métalliques qui serrent et serrent mon dos, mes cuisses. Une douleur diffusent de sous les seins jusqu’aux orteils.
Comment a été votre parcours vers un diagnostic d’endométriose ? À 19 ans, mon médecin une femme, a dit que non, ça n’était pas de l’endométriose. Elle a sourit. Je me suis sentie idiote. Elle me prescrivait des médicaments en me disant que ça allait me soulager. Mais non, pas du tout. Un jour que j’en ai parlé a la pharmacienne, que je n’étais pas soulagée malgré les 3 médicaments prescrits, elle m’a dit que c’était tous la même molécule, avec des noms différents. Des variation du fameux Anaprox auquel 17% des femmes ne réagissaient pas. J’en ai reparlé à mon nouveau médecin de famille lors de la grossesse de ma 2e. Elle a dit que c’était possiblement cela. Mais je n’ai plus eu de douleur après ma grossesse. Après mes 2 grossesses j’ai été soulagé environ 5 ans. Puis ça recommence progressivement et empirait avec le temps. J’ai aujourd’hui 44 ans. Ma plus jeune (2e) et dernière fille a 8 ans. J’ai maintenant à nouveau de très fortes douleurs. Je ne peux rester debout, tout empire. Je ne peux travailler. Je deviens toute molle et confuse, peut être à cause des endorphines. Quand la pandémie sera terminée, je vais lui en parler à nouveau. Mais pour moi c’est sans espoirs. A part la chirurgie et les médicaments, que peut-on faire? La fibromyalgia me rend intolérante aux médicaments (et l’Anaprox ne fonctionne pas) et mes migraines m’empêche de prendre la pilules sans issus.
Quelle a été votre expérience avec les traitements pour l’endométriose ? J’ai essayé la pilule, plusieurs pilules. Et soit cela a empiré. Soit cela a eu aucun effet. On m’a donné des analgésiques. Qui avaient aucun effet. Il a été question de chirurgie. Mais c’est extrême non, comme remède? Et enfin il a été question de grossesse. Et effectivement, quand j’ai eu mes filles, j’ai eu un soulagement d’environ 5 ans suivant l’accouchement. Et ensuite cela revient doucement, en empirant avec le temps, jusqu’à redevenir insupportable après 7 ans. Donc tout ce qui est proposé et accessible ne fonctionne pas vraiment. C’est anxiogène. Incontrôlable. Et je finis par vivre avec un sentiment d’anticipation chronique. Je compte sur le calendrier les dates où je serai invalide.
Comment l’endométriose affecte votre vie quotidienne? Je compte les dates sur le calendrier. J’anticipe les activités, les rendez-vous. Être kaput 5 jours exigent de l’organisation. Je suis chanceuse d’avoir un conjoint qui peut palier à mon salaire, parce que je manque le travail à chaque mois pour cause de trop de douleur. Je ne peux ni me tenir debout. Ni manger (nausées). Et je manque de concentration (à cause des endorphines ?).
Comment l’endométriose affecte votre bien-être émotionnel? L’estime de soi diminue. Je suis moins efficace comme maman, comme blonde, comme professionnelle, comme amie. Je suis comme invalide, handicapée une semaine par mois. Et en plus c’est bizarre…Suis-je normale, fragile, différente? Et puis il y a le stress d’anticipation. C’est inéluctable, le mois prochain je vais passer un mauvais quart d’heure et le mois suivant pareil et ainsi de suite. Quand j’ai mes menstruations, les saignements sont abondants et douloureux. La douleur me réveille et je dois aussi me lever 2-3 fois dans la nuit les 3 premiers jours pour changer mes protections. Cela m’épuise et augmente possiblement les douleurs à cause de la fatigue. J’ai aussi la chance de pouvoir compter sur un conjoint compréhensif qui m’aide et prend soin de moi. Être seule je ne sais pas comment je ferais. Pas de mots doux et d’encouragement. Personne pour changer ma bouillotte. Quelle horreur!
Comment l’endométriose a marqué des tournants dans votre vie jusqu’à présent et dans l’avenir ? L’école – et bien, j’ai beaucoup manqué. Je suis devenue une championne du rattrapage. Ma moyenne a diminuée d’environ 8-10 points après l’apparitions de mes menstruations. J’aurais sûrement pu avoir de meilleurs résultats et terminer mon baccalauréat dans les temps dans mes absences à tous les mois. Je n’ai pas réussi à percer dans mon domaine. La charge de travail, les échéanciers et la pression était incompatible avec la douleur récurrente. J’ai maintenant 2 filles et avec l’appui de mon conjoint, je recherche une solution professionnelle compatible avec les douleurs.
Comment est-ce que vous avez trouvé de l’espoir ou du soutien au cours de votre parcours d’endométriose? Je n’en ai pas vraiment. Mon conjoint est un soutient précieux. Et mon nouveau médecin de famille semble comprendre que ça existe. On verra comment elle jongle avec cela.
À quoi devraient ressembler les soins de santé pour l’endométriose au Canada selon vous ? Tout d’abord, nous devrions être crue. C’est essentiel. Ensuite, il faudrait dépister cela tôt pour éviter des problèmes d’estime, de dépression et d’anxiété par anticipation. Il faudrait que l’endométriose et ses conséquences soient formellement reconnues afin de diminuer les impacts sur les femmes tant sur le plan scolaire que professionnel. Et aussi reconnu et compris par les pairs, les conjoints, les parents. Les enseignants, les employeurs. Et enfin, j’aurais aimé être référée à une clinique multidisciplinaire et prise en charge de façon efficace.
D’après vous, que devrait-on savoir du vécu des personnes atteintes d’endométriose au Canada ? C’est vrai. C’est incontrôlable. C’est récurent. Ça fait peur. Ça a des impacts sur nos vies professionnelles. Encore une situation qui pose une inégalité professionnelle par rapport aux hommes.