À quoi ressemblent vos symptômes d’endométriose ? Depuis toute petite, je me souviens d’avoir eu mal au ventre, on m’avait diagnostiqué une intolérance au lactose….Vers 11 ans, à mes premières règles, ce fût très douloureux. Pliée en deux, je suppliais ma mère qu’elle m’amène à l’urgence. Mais elle me disait que c’était normal d’avoir mal, que pour elle aussi ses règles étaient douloureuses. À chaque mois, je devais quitter l’école en pleine crise soudaine de douleur et d’hémorragie, avec la honte au visage car c’était tabou de parler de ses règles ouvertement en classe. Mon médecin de famille m’a prescrit la pilule, ça a un peu diminué mes douleurs. J’ai aussi eu beaucoup de problèmes de digestion, douleur et nausée à l’estomac, diarrhée et crampes intestinales. Alors on m’a diagnostiqué le syndrome du côlon irritable (SCI). J’ai eu une grossesse à 18 ans, enceinte je n’avais aucune douleur, c’était merveilleux. Mais c’est revenue après l’allaitement. Vers 35 ans, j’ai fait une fécondation in vitro (FIV) et après, les douleurs sont devenues insupportables et handicapantes. Aller uriner et déféquer était toute une épreuve. J’avais l’impression qu’on me perforait la vessie avec un couteau et que mes intestins se déchiraient. Mes règles étaient hémorragiques, je perdais des morceaux d’endomètre et de gros caillots, je me sentais très faible et je restais au lit à me tordre de douleur.
Comment a été votre parcours vers un diagnostic d’endométriose ? C’est en clinique de fertilité qu’on m’a parlé d’endométriose vu mes douleurs importantes. On m’a proposé une laparoscopie. À mon réveil, on m’a confirmé l’étendue de la maladie dans mon abdomen. J’ai pleuré, car on trouvait enfin ce que j’avais après 24 ans de douleur, de tests et de médecins qui me disaient que je n’avais jamais rien ! Ce fut tout de même difficile d’accepter cette maladie qui cause tant et ne se guérit pas. J’ai continué une autre FIV et mon dernier transfert d’embryon a fonctionné mais fausse couche à 6 semaines. J’ai dû abandonner la fertilité car j’avais trop de douleur et c’était très difficile émotionnellement. On m’a référé à une spécialiste à Québec pour que j’aie un suivi. Je l’ai rencontré un an après et j’ai passé un IRM. Elle m’a opérée et j’ai été un an et demi sans douleur. Pour la première fois de ma vie, je me sentais libre et comme les gens normaux.
Quelle a été votre expérience avec les traitements pour l’endométriose ? Les traitements hormonaux ont été du essai et erreur avec moi. J’ai toléré la pilule longtemps pendant toute mon adolescence, je la prenais le plus possible en continue pour ne pas avoir mes règles. J’ai eu Depo-Provera une année ; j’ai eu pratiquement du spotting tous les jours et mes règles chaque mois. J’ai essayé les patchs (1 mois), trop de maux de tête et nausées. Lupron (3 mois), bouffées de chaleur jour et nuit, humeur colérique et dépressive. Visanne (13 mois) douleur seins, tête, anxiété, maux d’estomac, mais les règles et douleurs absentes après 3-4 mois. J’ai dû prendre des antidépresseurs avec. Après ma 2ème laparoscopie, je n’ai pas pris d’hormones pendant un an et demi car j’étais sans douleur. Après, c’est revenu intensément, on m’a prescrit le NuvaRing en continu. C’est ce traitement qui me cause le moins d’effet secondaire. Mais j’ai mes règles environ aux 3 mois car mon utérus a besoin de se vider, je le ressens avec de forte contraction et début de saignement. Mais je n’aime pas les traitements hormonaux en général, je trouve que ce n’est pas naturel pour le corps et à long terme ça peut vraiment nuire à notre santé. Les antidouleurs qu’on nous donnent également, ça m’assomme et j’ai vraiment du mal à travailler ou faire des simples tâches à la maison. Bien souvent, ils deviennent inefficaces après un certain temps, je me retourne de plus en plus envers les traitements plus naturels comme les plantes, l’ostéopathie, le yoga, la méditation.
Comment l’endométriose affecte votre vie quotidienne ? Vivre avec des douleurs chroniques c’est souvent manquer du travail, de l’école, des fêtes, des réunions familiales, des loisirs. Difficile de planifier un événement ou voyage car on ne sait jamais d’avance si on va être en état de le faire. Mon adolescence a été très difficile, ça a nuit énormément à mes études, j’ai même développe de l’agoraphobie car j’avais peur d’être malade à l’extérieur de chez moi, que ça soit en classe, au restaurant, centres commerciaux… Comme ma maladie n’était pas diagnostiqué j’avais du mal à trouver des excuses pour ne pas me rendre à certains évènements. La honte, la douleur et la peur faisaient partie de mon quotidien. J’ai perdu plusieurs emplois à cause d’absentéisme. Au fil du temps, je suis devenue travailleuse indépendante ce qui m’a permis de mieux gérer mon horaire. Sauf que lorsque je suis malade je ne suis pas payée. Ce qui me cause bien de l’anxiété à chaque fois. J’aime bien faire des activités dans la nature, comme la randonnée, la pêche, du vélo, du ski, de la raquette, mais en période de crise ça devient impossible. Ça peut durer une journée à plusieurs semaines que je sois clouée au lit. C’est aussi difficile pour mon conjoint de me voir ainsi mais il est très compréhensif, peut-être parce que lui aussi il vit avec des douleurs chroniques. Mais ça m’attriste de ne pas pouvoir être toujours disponible pour une activité avec lui. Même chose pour mes amis, de devoir annuler une sortie à la dernière minute parce j’ai une crise, me fait sentir mal et coupable.
Comment l’endométriose affecte votre bien-être émotionnel ? Les périodes où j’ai le plus de douleur, ça fait augmenter mon anxiété, j’ai dû voir des psychologues et prendre des médicaments à plusieurs reprises dans ma vie. Il m’arrive fréquemment d’avoir des crises d’angoisse quand j’ai des douleurs, surtout la nuit. La peur que la douleur ne disparaisse pas, me fait paniquer. Avant de connaître mon diagnostic, les médecins n’avaient pas l’air de me croire, alors je me demandais si j’étais pas folle et trop douillette. Mes partenaires et amis non plus ne comprenaient pas toujours ce que je vivais et avaient du mal à me supporter. Je me suis sentie souvent seule au monde et ne désirant qu’être normale. Quand ça fait plus d’une semaine que je suis en douleur jour et nuit, que j’ai du mal à marcher, à aller aux toilettes, à manger, je me dis que ça n’a pas de sens de vivre ainsi. Qu’on devrait avoir au moins plus de soutien côté médical.
Comment est-ce que vous avez trouvé de l’espoir ou du soutien au cours de votre parcours avec de l’endométriose ? Ce qui m’a le plus aidé, c’est les groupes de soutien sur Facebook. Échanger avec d’autres personnes qui vivent la même chose que moi a fait que je ne me sentais plus seule. J’ai fait aussi beaucoup de recherches en ligne sur la maladie, ce qui m’a permis de mieux prendre soin de moi. Je me suis faite aussi de très bonnes amies virtuelles, ayant l’endométriose on peut se soutenir l’une et l’autre, se référer à des spécialistes compétents.
À quoi devraient ressembler les soins de santé pour l’endométriose au Canada selon vous ? Il devrait y avoir plus de cliniques spécialisées pour les femmes avec des problèmes gynécologiques. On devrait également en parler beaucoup plus auprès des médecins de famille, il y en a encore qui ne savent pas ce que c’est l’endométriose. Et bien souvent on ne fait que prescrire pilule après pilule sans expliquer les effets secondaires de ces traitements qui peuvent être graves pour certaines. On se sent vraiment comme des cobayes. Il devrait y avoir aussi plus de délicatesse lors de tests gynécologiques. À ma dernière biopsie, je me suis sentie charcutée. Les médecins aux urgences devraient savoir comment nous rassurer. Bien souvent ils disent que c’est normal d’avoir très mal quand on fait de l’endométriose mais lorsqu’on consulte c’est parce qu’on sent qu’il se passe de quoi de pas normal dans notre corps. On a besoin qu’ils fassent les tests nécessaires afin de démontrer que nous n’avons pas une vessie ou un intestin qui éclatent ou autre chose qui mettrait notre vie en danger. On a aussi besoin d’un soutien psychologique, ce qui n’est pas souvent proposé, ou ça prend une éternité avant d’y avoir accès au public.
D’après vous, que devrait-on savoir du vécu des personnes atteintes d’endométriose au Canada ? Je crois qu’il est très important de sensibiliser la population, surtout les jeunes filles. Détecter la maladie le plus tôt possible éviterait des problèmes de santé important et l’infertilité. Les parents doivent aussi être informés afin de reconnaître chez leurs proches cette maladie. Que ça peut nous rendre dans une incapacité de vivre normalement. Ça affecte toutes les sphères de notre vie, le travail, l’école, vie sociale, amoureuse, loisirs et notre futur. Et que nous avons besoin de soutien pour continuer à nous battre.